La mémoire de la Déportation
durant la Seconde Guerre mondiale
au cimetière du Père Lachaise

© Mairie de Paris

Toi qui passes,
souviens-toi

MAUTHAUSEN

Camp ouvert en août 1938

© Vincent Gerbet

Description du monument

Inauguré le 4 mai 1958, ce monument est une évocation de la carrière de granit du camp de Mauthausen. Les marches évoquent les 186 marches de l’escalier de cette carrière que les déportés devaient gravir en portant les lourdes pierres, sous les coups des SS.
Le granit a été extrait de cette carrière autrichienne.
L’homme de bronze, sculpté par Gérard Choain et fondu par Marius Hohwiller, est la représentation d’un déporté nu et décharné, devant porter une pierre toujours trop lourde pour des corps épuisés. Figé au pied des marches, l’homme semble ne pas pouvoir aller plus loin. Ce monument est d’abord un hommage des survivants à leurs camarades disparus.
Sur le côté gauche du monument est inscrit :

© Vincent Gerbet

MAUTHAUSEN
Camp d’extermination hitlérien
180 000 hommes et femmes y furent emprisonnés.
154 000 sont morts torturés, gazés, fusillés, pendus.
Pour que leur sacrifice contribue à barrer à jamais la route à l’oppression et à ouvrir à l’humanité la voie d’un avenir meilleur dans l’amitié et dans la paix entre les peuples
SOUVENEZ VOUS

Sur le côté droit est inscrit :

MAUTHAUSEN
Camp d’extermination hitlérien
12 500 Français y furent déportés
10 000 y furent exterminés
Les 186 marches de l’escalier de la carrière furent le calvaire de ceux qui devaient sous les coups des SS les gravir en portant de lourdes pierres.
Ce monument perpétue leur mémoire et leur combat pour l’indépendance française.
SOUVENEZ-VOUS

A l’arrière du monument dont le haut est surmonté de l’insigne des déportés politiques français, il est inscrit :

Le camp d’extermination de Mauthausen est situé à 25 km de Linz (Autriche).
Il a été libéré le 5 mai 1945

Sur le côté du socle, l’Amicale française de Mauthausen a tenu à rectifier les évaluations connues lors de l’inauguration du monument :

En 2024, l’évaluation minimale du nombre des déportés dans le complexe de Mauthausen et ses kommandos s’établit à 198 000 personnes, dont 4 900 femmes, parmi lesquels 158 850 ont reçu un numéro matricule dans ce camp.

Le camp de Mauthausen

Mauthausen est un village sur la rive gauche du Danube, à 22 km de Linz (ville natale d’Hitler).
Ce camp ouvre en août 1938, quelques mois après l’Anschluss (annexion de l’Autriche) du 12 mars 1938 par Hitler.
Le choix de cet endroit est dicté par la proximité du Danube et de voies de chemin de fer mais surtout et essentiellement par la présence d’une carrière de granit, propriété de la ville de Vienne. Son exploitation est concédée à la société de terrassement et d’extraction DEST (Deutsche Erd-und Steinwerke Gmbtt), affiliée à la SS.
Le granit est utilisé pour paver les rues de Vienne et d’autres villes allemandes sous l’autorité d’Albert Speer, architecte d’Hitler. Hitler veut reconstruire certaines villes telles que Francfort, Munich, Linz… mais son rêve le plus fou concerne une nouvelle capitale du Reich millénaire : « Germania ».
Ce camp prendra l’aspect d’une « forteresse » médiévale construite avec les pierres de granit montées à dos d’homme sur la colline surplombant la carrière, en haut d’un escalier de 186 marches : c’est le premier chantier demandé aux détenus.

« Forteresse » de Mauthausen
© AFMD 75

Pratiquement tous les détenus travaillent à la carrière. Ils descendent « l’escalier de la mort » en rang, cinq par cinq, 186 marches disjointes de hauteur inégale et les remontent avec de lourds blocs de granit sur le dos. Parfois¸ jugeant les blocs trop petits, les SS les obligent à redescendre pour saisir un bloc plus gros.

© AFMD 75

Souvent, les SS précipitent les hommes du haut de l’escalier (aplomb de plus de cent mètres) ou leur demandent de se battre, promettant au vainqueur la vie sauve.

La carrière
© AFMD 75

À l’hiver 1941, à l’intérieur de l’enceinte, sont en place la Kommandantur, l’Appellplatz (la place d’appel), les garages des SS, dont la porte d’accès est surmontée de l’aigle impérial, le Bunker (prison), les fours crématoires, la chambre à gaz et les vingt premières baraques de détention.

Intérieur de l’enceinte
© AFMD 75

Plan du camp dessiné en 1950
© Amicale de Mauthausen France

Les détenus

 Après l’arrivée d’un kommando provenant de Dachau en 1938, sont envoyés à Mauthausen des opposants autrichiens, puis tchécoslovaques après l’annexion des Sudètes et polonais.
Début août 1940, arrivent les Républicains Espagnols : près de 7 200 Républicains espagnols, internés en France ou faits prisonniers suite à leur engagement dans l’Armée française, sont déportés à Mauthausen. Le premier transport parti de France a lieu le 6 août 1940. (cf Monument aux Espagnols).
En 1942, après la défaite de Stalingrad, les besoins en main d’œuvre devenant une nécessité absolue pour l’industrie de l’armement (cf Aktion Meerschaum), la population concentrationnaire s’étend très au-delà des opposants politiques : réfractaires au STO, otages et raflés au hasard, condamnés de droit commun, prisonniers de guerre soviétiques destinés à une extermination de masse, tziganes et juifs transférés d’Auschwitz à partir de mai 1944.
Des prisonniers de guerre soviétiques, devant rester immobiles, aspergés d’eau glacée en plein hiver, ont gelé sur place.

Monument aux soviétiques © AFMD 75

Seul camp, avec le camp jumeau de Gusen (voir ci-après), classé de niveau III – ce qui signifiait que les conditions de détention devaient être les plus dures de l’ensemble du système concentrationnaire national-socialiste – Mauthausen reçoit ainsi les déportés NN – Nuit et Brouillard – (cf décret de Keitel de décembre 1941) – qui devaient disparaître sans laisser de trace.
A la fin de la guerre, au fur et à mesure de l’évacuation des autres camps, les déportés NN de ces camps sont transférés à Mauthausen dont beaucoup de femmes.
D’août 1938 à mai 1945, plus de 198 000 détenus de plus de 20 nationalités sont passés par Mauthausen, dont près de 8 800 Français et 600 Françaises.
Quelque 120 000 ont été assassinés.

 Les expériences médicales et les exécutions
De nombreuses expériences médicales ont été menées dans le Revier de Mauthausen et celui de Gusen : injections de phénol, recherches de vaccins contre le choléra, le typhus, interventions chirurgicales inutiles, exécutions dans la chambre à gaz de Mauthausen par le Zyklon B de malades, de Yougoslaves, de Juifs ou à Gusen dans des camions à gaz.
Dès 1938 est mise en place l’Aktion T4 qui désigne la campagne d’extermination par assassinat des adultes handicapés physiques et mentaux, allemands et autrichiens, menée sous la direction du Bureau central T4 de la chancellerie du Führer : 70 000 à 80 000 victimes.
Le château de Hartheim, ancien asile d’aliénés à 40 km de Mauthausen, devient un centre d’euthanasie en mars 1940 pour handicapés physiques et mentaux, malades incurables, grabataires ou tout simplement des personnes ne pouvant plus travailler : 30 000 personnes y furent assassinées, gazées, incinérées entre 1940 et 1944, leurs cendres jetées dans le Danube.
En août 1941, l’Aktion T4 est remplacée par l’Aktion 14f13. A partir de 1941, les détenus invalides, inaptes au travail venant de Mauthausen, Gusen, Dachau, Buchenwald, Ravensbrück sont transportés dans des bus spéciaux pour être assassinés à Hartheim.
Dans ce château, 70 personnes civiles, concierges, employés de bureau, ouvriers des crématoires, chauffeurs de bus, photographes, cuisiniers, soignants professionnels, furent chargées de cette mise en œuvre bureaucratique de l’entreprise de mise à mort.
Une bonne partie de ce personnel avait été recruté dans la région !

Château de Hartheim
© DR

Mi-décembre 1944, les Nazis détachent de Mauthausen un kommando de maçons, espagnols et polonais, pour détruire toute trace des installations de gazage. Les travaux de démolition et de camouflage s’achèvent en janvier 1945.

Les Kommandos de travail
À Mauthausen, l’usine Messerschmitt utilise les déportés à partir de 1943.
Ce camp compte 46 kommandos.

Les plus importants sont :

GUSEN
N
om d’une carrière, d’un hameau et d’un affluent du Danube.
Ce camp, créé en décembre 1939, mis en service le 25 mai 1940, devient GUSEN I.
Les détenus travaillent dans les carrières de granit.  Au début de 1943, ils sont     également employés pour l’industrie d’armement par les entreprises Steyr-Daimler-Puch et Messerschmitt GmbH.
En mars 1944 est mis en service GUSEN II, destiné à abriter la production souterraine des V1 et V2 et du Me262 (premier avion de chasse).
En décembre 1944, création de GUSEN III, les déportés travaillent à la briqueterie et à la construction d’une boulangerie créée afin d’approvisionner les divers camps.   GUSEN III sert d’entrepôt pour la construction des avions.
Plus de 71 000 détenus issus de plus de 27 nations y furent internés.
Plus de la moitié y trouvèrent la mort.
Après la libération, une très grande partie du camp fut rasé en peu de temps.
Dans les années soixante, des organisations internationales de survivants ont érigé, à leurs frais, un monument autour du four crématoire qui a été conservé. Le « Mémorial de Gusen » fut inauguré en 1965. Aujourd’hui, il ne reste que peu de vestiges du camp et de grandes parties du site ont été utilisées pour la construction d’un lotissement résidentiel !

EBENSEE
Situé à 100 km au sud-ouest de Mauthausen, dans la vallée de la Traun au milieu de montagnes, ouvre le 18 novembre 1943.
Sa création a été voulue par Hitler comme emplacement alternatif à celui de Peenemünde pour la fabrication de missiles balistiques V2. Les détenus sont employés à creuser des tunnels dans les montagnes pour les cacher. Leur excavation est particulièrement épuisante et dangereuse. Environ 1 000 civils allemands ont une dizaine de prisonniers à leur disposition. Les missiles n’ont jamais été produits…
À la place, ces tunnels vont servir au « projet Zement » pour abriter une raffinerie de pétrole synthétique (tunnels A) et des ateliers pour fabriquer les pièces de chars et de réservoirs pour Daimler (tunnels B).
Le crématoire entre en service le 31 juillet 1944.
À cette date, le camp compte quinze baraques, pour 6 000 détenus ; ils seront 9 000 en décembre.
Le 6 mai 1945 le camp est libéré par les blindés américains : les tunnels A étaient presque prêts, certains déjà équipés ; les tunnels B étaient excavés à 60%. Au total, 10 km de galeries.
Tous les documents ont été brûlés par les nazis.
Peu de temps après la fin de la guerre, le camp de concentration a été démantelé et largement divisé pour construire des villas privées. Il ne reste que l’entrée du camp…

Entrée du camp actuellement
© AFMD 75

Au total : 18 509 détenus de 23 nationalités (dont 8% de Français)
Plus de 8 500 victimes y ont trouvé la mort.

LOIBL-PASS (Ljubelj)
Situé à 300 km de Mauthausen, le col de Loibl-Pass relie l’Autriche à la Yougoslavie
(actuelle Slovénie).
En 1942, la construction du tunnel est entamée par des civils slovènes et croates par une entreprise de Vienne.
Début juin 1943 arrivent les premiers détenus pour terminer la construction.
Le premier camp, le « camp Sud », est établi côté yougoslave, le second, le « camp nord » côté autrichien.
La jonction des deux tunnels est effective le 4 décembre 1943.
Les premiers véhicules allemands l’emprunteront un an plus tard.
En deux ans, l’effectif atteint environ 1 800 hommes de 10 nationalités.

Entrée du tunnel actuel
© AFMD 75

Le 7 mai 1945, les déportés évacuent le camp et sont libérés en Autriche par les Partisans du Maréchal Tito. Le lendemain, 122 survivants français restent combattre avec les Partisans de Tito et forment la Brigade Liberté.

MELK
Dans cette ancienne caserne du génie, des détenus y sont affectés dès avril 1944 pour produire des roulements à billes en faveur de l’entreprise Steyr-Daimler-Puch.
Le 21 avril 1944 arrive un premier convoi de 500 déportés (420 Français, 30 Espagnols et 30 Allemands). Puis le 23 avril, débarquent 532 Français en provenance de Mauthausen. Chaque semaine, arrivent des détenus.
Les Français détenus à Melk ont été environ 1 500, les premiers arrivés ont occupé des postes importants dans la hiérarchie interne.
Inscription sur le monument français au camp central de Mauthausen en Autriche :

« Les morts ne dorment pas, ils n’ont que cette pierre impuissante
à porter la foule de leurs noms.
La mémoire du crime est la seule prière, passant,
que nous te demandons ».

Sources

– Amicale française de Mauthausen : https://campmauthausen.org
– Mémorial de Mauthausen en Autriche : https://www.mauthausen-memorial.org
– DEBRISE (DREYFUS) Gilbert, Cimetières sans tombeaux, préface d’Aragon. Ed. La Bibliothèque française, 1945.
– FABREGUET, Michel, Mauthausen, camp de concentration national-socialiste en Autriche   rattachée, éd. Honoré Champion, 1999
– FREUND, Florian, Ebensee-Kommando de Mauthausen. Souvenirs de rescapés, édition revue et augmentée. Amicale de Mauthausen. Paris, 2016
– LACAZE, André, Le tunnel. Ed. Julliard,1978
– LAFFITTE, Jean, Ceux qui vivent, Ed. Hier et Aujour’dhui, 1947 ; rééd. Les Editeurs français réunis, 1958.
– LEE, Adeline, Les Français à Mauthausen-Par-delà la foule de leurs noms, éd. Tallandier, Paris, 2021
– SCHWANNINGER, Florian, Le château de Hartheim et le « Traitement spécial 14f13 », Revue d’Histoire de la Shoah, 2013/2 (N° 199)
– TESSIER, Christian et DEDET, Daphné, Du Loibl Pass à la brigade Liberté, éd. La clé du     chemin, 2015
– TILLARD, Paul, Le pain des temps maudits, éd. Julliard, 1965
– Zeitgeschichte Museum Ebensee- Camp de concentration d’Ebensee. Catalogue d’exposition 1999
http://www.melk-memorial.org
http://www.schloss-hartheim.at/
https://memorial-ebensee.at/website/index.php/fr/memorial-fr
http://jsegalavienne.wordpress.com/2010/11/12/un-film-qui-en-dit-long/
https://collections.ushmm.org : DÜRR Christian, Lechner Ralf, Wolfinger Stefan, Camp de concentration de Gusen 1939-1945, Traces-Fragments-Reconstruction, éd. KZ-  Gedenkstätte Gusen,1967     
https://afmd.org/en/loibl-pass-9379html
http://www.danube-culture.org/le-chateau-de-hartheim-bei-alkoven-centre-deuthanasie/
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php?larub=470
https://www.gusen-memorial.org/fr
https://www.cairn.info/revue-d-histoire-de-la-shoah
https://fr.wikiital.com/wiki/Campo_di_concentramento_di_Ebensee

Mauthausen

Camp ouvert en août 1938

© Vincent Gerbet

Description du monument

Inauguré le 4 mai 1958, ce monument est une évocation de la carrière de granit du camp de Mauthausen. Les marches évoquent les 186 marches de l’escalier de cette carrière que les déportés devaient gravir en portant les lourdes pierres, sous les coups des SS.
Le granit a été extrait de cette carrière autrichienne.
L’homme de bronze, sculpté par Gérard Choain et fondu par Marius Hohwiller, est la représentation d’un déporté nu et décharné, devant porter une pierre toujours trop lourde pour des corps épuisés. Figé au pied des marches, l’homme semble ne pas pouvoir aller plus loin. Ce monument est d’abord un hommage des survivants à leurs camarades disparus.
Sur le côté gauche du monument est inscrit :

© Vincent Gerbet

MAUTHAUSEN
Camp d’extermination hitlérien
180 000 hommes et femmes y furent emprisonnés.
154 000 sont morts torturés, gazés, fusillés, pendus.
Pour que leur sacrifice contribue à barrer à jamais la route à l’oppression et à ouvrir à l’humanité la voie d’un avenir meilleur dans l’amitié et dans la paix entre les peuples
SOUVENEZ VOUS

Sur le côté droit est inscrit :

MAUTHAUSEN
Camp d’extermination hitlérien
12 500 Français y furent déportés
10 000 y furent exterminés
Les 186 marches de l’escalier de la carrière furent le calvaire de ceux qui devaient sous les coups des SS les gravir en portant de lourdes pierres.
Ce monument perpétue leur mémoire et leur combat pour l’indépendance française.
SOUVENEZ-VOUS

A l’arrière du monument dont le haut est surmonté de l’insigne des déportés politiques français, il est inscrit :

Le camp d’extermination de Mauthausen est situé à 25 km de Linz (Autriche).
Il a été libéré le 5 mai 1945

Sur le côté du socle, l’Amicale française de Mauthausen a tenu à rectifier les évaluations connues lors de l’inauguration du monument :

En 2024, l’évaluation minimale du nombre des déportés dans le complexe de Mauthausen et ses kommandos s’établit à 198 000 personnes, dont 4 900 femmes, parmi lesquels 158 850 ont reçu un numéro matricule dans ce camp.

Le camp de Mauthausen

Mauthausen est un village sur la rive gauche du Danube, à 22 km de Linz (ville natale d’Hitler).
Ce camp ouvre en août 1938, quelques mois après l’Anschluss (annexion de l’Autriche) du 12 mars 1938 par Hitler.
Le choix de cet endroit est dicté par la proximité du Danube et de voies de chemin de fer mais surtout et essentiellement par la présence d’une carrière de granit, propriété de la ville de Vienne. Son exploitation est concédée à la société de terrassement et d’extraction DEST (Deutsche Erd-und Steinwerke Gmbtt), affiliée à la SS.
Le granit est utilisé pour paver les rues de Vienne et d’autres villes allemandes sous l’autorité d’Albert Speer, architecte d’Hitler. Hitler veut reconstruire certaines villes telles que Francfort, Munich, Linz… mais son rêve le plus fou concerne une nouvelle capitale du Reich millénaire : « Germania ».
Ce camp prendra l’aspect d’une « forteresse » médiévale construite avec les pierres de granit montées à dos d’homme sur la colline surplombant la carrière, en haut d’un escalier de 186 marches : c’est le premier chantier demandé aux détenus.

« Forteresse » de Mauthausen
© AFMD 75

Pratiquement tous les détenus travaillent à la carrière. Ils descendent « l’escalier de la mort » en rang, cinq par cinq, 186 marches disjointes de hauteur inégale et les remontent avec de lourds blocs de granit sur le dos. Parfois¸ jugeant les blocs trop petits, les SS les obligent à redescendre pour saisir un bloc plus gros.

© AFMD 75

Souvent, les SS précipitent les hommes du haut de l’escalier (aplomb de plus de cent mètres) ou leur demandent de se battre, promettant au vainqueur la vie sauve.

La carrière
© AFMD 75

À l’hiver 1941, à l’intérieur de l’enceinte, sont en place la Kommandantur, l’Appellplatz (la place d’appel), les garages des SS, dont la porte d’accès est surmontée de l’aigle impérial, le Bunker (prison), les fours crématoires, la chambre à gaz et les vingt premières baraques de détention.

Intérieur de l’enceinte
© AFMD 75

Plan du camp dessiné en 1950
© Amicale de Mauthausen France

Les détenus

Après l’arrivée d’un kommando provenant de Dachau en 1938, sont envoyés à Mauthausen des opposants autrichiens, puis tchécoslovaques après l’annexion des Sudètes et polonais.
Début août 1940, arrivent les Républicains Espagnols : près de 7 200 Républicains espagnols, internés en France ou faits prisonniers suite à leur engagement dans l’Armée française, sont déportés à Mauthausen. Le premier transport parti de France a lieu le 6 août 1940. (cf Monument aux Espagnols).
En 1942, après la défaite de Stalingrad, les besoins en main d’œuvre devenant une nécessité absolue pour l’industrie de l’armement (cf Aktion Meerschaum), la population concentrationnaire s’étend très au-delà des opposants politiques : réfractaires au STO, otages et raflés au hasard, condamnés de droit commun, prisonniers de guerre soviétiques destinés à une extermination de masse, tziganes et juifs transférés d’Auschwitz à partir de mai 1944.
Des prisonniers de guerre soviétiques, devant rester immobiles, aspergés d’eau glacée en plein hiver, ont gelé sur place.

Monument aux soviétiques © AFMD 75

Seul camp, avec le camp jumeau de Gusen (voir ci-après), classé de niveau III – ce qui signifiait que les conditions de détention devaient être les plus dures de l’ensemble du système concentrationnaire national-socialiste – Mauthausen reçoit ainsi les déportés NN – Nuit et Brouillard – (cf décret de Keitel de décembre 1941) – qui devaient disparaître sans laisser de trace.
A la fin de la guerre, au fur et à mesure de l’évacuation des autres camps, les déportés NN de ces camps sont transférés à Mauthausen dont beaucoup de femmes.
D’août 1938 à mai 1945, plus de 198 000 détenus de plus de 20 nationalités sont passés par Mauthausen, dont près de 8 800 Français et 600 Françaises.
Quelque 120 000 ont été assassinés.

Les expériences médicales et les exécutions
De nombreuses expériences médicales ont été menées dans le Revier de Mauthausen et celui de Gusen : injections de phénol, recherches de vaccins contre le choléra, le typhus, interventions chirurgicales inutiles, exécutions dans la chambre à gaz de Mauthausen par le Zyklon B de malades, de Yougoslaves, de Juifs ou à Gusen dans des camions à gaz.
Dès 1938 est mise en place l’Aktion T4 qui désigne la campagne d’extermination par assassinat des adultes handicapés physiques et mentaux, allemands et autrichiens, menée sous la direction du Bureau central T4 de la chancellerie du Führer : 70 000 à 80 000 victimes.
Le château de Hartheim, ancien asile d’aliénés à 40 km de Mauthausen, devient un centre d’euthanasie en mars 1940 pour handicapés physiques et mentaux, malades incurables, grabataires ou tout simplement des personnes ne pouvant plus travailler : 30 000 personnes y furent assassinées, gazées, incinérées entre 1940 et 1944, leurs cendres jetées dans le Danube.
En août 1941, l’Aktion T4 est remplacée par l’Aktion 14f13. A partir de 1941, les détenus invalides, inaptes au travail venant de Mauthausen, Gusen, Dachau, Buchenwald, Ravensbrück sont transportés dans des bus spéciaux pour être assassinés à Hartheim.
Dans ce château, 70 personnes civiles, concierges, employés de bureau, ouvriers des crématoires, chauffeurs de bus, photographes, cuisiniers, soignants professionnels, furent chargées de cette mise en œuvre bureaucratique de l’entreprise de mise à mort.
Une bonne partie de ce personnel avait été recruté dans la région !

Château de Hartheim
© DR

Mi-décembre 1944, les Nazis détachent de Mauthausen un kommando de maçons, espagnols et polonais, pour détruire toute trace des installations de gazage. Les travaux de démolition et de camouflage s’achèvent en janvier 1945.

Les Kommandos de travail
À Mauthausen, l’usine Messerschmitt utilise les déportés à partir de 1943.
Ce camp compte 46 kommandos.

Les plus importants sont :

Gusen
N
om d’une carrière, d’un hameau et d’un affluent du Danube.
Ce camp, créé en décembre 1939, mis en service le 25 mai 1940, devient GUSEN I.
Les détenus travaillent dans les carrières de granit.  Au début de 1943, ils sont     également employés pour l’industrie d’armement par les entreprises Steyr-Daimler-Puch et Messerschmitt GmbH.
En mars 1944 est mis en service GUSEN II, destiné à abriter la production souterraine des V1 et V2 et du Me262 (premier avion de chasse).
En décembre 1944, création de GUSEN III, les déportés travaillent à la briqueterie et à la construction d’une boulangerie créée afin d’approvisionner les divers camps.   GUSEN III sert d’entrepôt pour la construction des avions.
Plus de 71 000 détenus issus de plus de 27 nations y furent internés.
Plus de la moitié y trouvèrent la mort.
Après la libération, une très grande partie du camp fut rasé en peu de temps.
Dans les années soixante, des organisations internationales de survivants ont érigé, à leurs frais, un monument autour du four crématoire qui a été conservé. Le « Mémorial de Gusen » fut inauguré en 1965. Aujourd’hui, il ne reste que peu de vestiges du camp et de grandes parties du site ont été utilisées pour la construction d’un lotissement résidentiel !

Ebensee
Situé à 100 km au sud-ouest de Mauthausen, dans la vallée de la Traun au milieu de montagnes, ouvre le 18 novembre 1943.
Sa création a été voulue par Hitler comme emplacement alternatif à celui de Peenemünde pour la fabrication de missiles balistiques V2. Les détenus sont employés à creuser des tunnels dans les montagnes pour les cacher. Leur excavation est particulièrement épuisante et dangereuse. Environ 1 000 civils allemands ont une dizaine de prisonniers à leur disposition. Les missiles n’ont jamais été produits…
À la place, ces tunnels vont servir au « projet Zement » pour abriter une raffinerie de pétrole synthétique (tunnels A) et des ateliers pour fabriquer les pièces de chars et de réservoirs pour Daimler (tunnels B).
Le crématoire entre en service le 31 juillet 1944.
À cette date, le camp compte quinze baraques, pour 6 000 détenus ; ils seront 9 000 en décembre.
Le 6 mai 1945 le camp est libéré par les blindés américains : les tunnels A étaient presque prêts, certains déjà équipés ; les tunnels B étaient excavés à 60%. Au total, 10 km de galeries.
Tous les documents ont été brûlés par les nazis.
Peu de temps après la fin de la guerre, le camp de concentration a été démantelé et largement divisé pour construire des villas privées. Il ne reste que l’entrée du camp…

Entrée du camp actuellement
© AFMD 75

Au total : 18 509 détenus de 23 nationalités (dont 8% de Français)
Plus de 8 500 victimes y ont trouvé la mort.

Loibl-Pass (Ljubelj)
Situé à 300 km de Mauthausen, le col de Loibl-Pass relie l’Autriche à la Yougoslavie
(actuelle Slovénie).
En 1942, la construction du tunnel est entamée par des civils slovènes et croates par une entreprise de Vienne.
Début juin 1943 arrivent les premiers détenus pour terminer la construction.
Le premier camp, le « camp Sud », est établi côté yougoslave, le second, le « camp nord » côté autrichien.
La jonction des deux tunnels est effective le 4 décembre 1943.
Les premiers véhicules allemands l’emprunteront un an plus tard.
En deux ans, l’effectif atteint environ 1 800 hommes de 10 nationalités.

Entrée du tunnel actuel
© AFMD 75

Le 7 mai 1945, les déportés évacuent le camp et sont libérés en Autriche par les Partisans du Maréchal Tito. Le lendemain, 122 survivants français restent combattre avec les Partisans de Tito et forment la Brigade Liberté.

Melk
Dans cette ancienne caserne du génie, des détenus y sont affectés dès avril 1944 pour produire des roulements à billes en faveur de l’entreprise Steyr-Daimler-Puch.
Le 21 avril 1944 arrive un premier convoi de 500 déportés (420 Français, 30 Espagnols et 30 Allemands). Puis le 23 avril, débarquent 532 Français en provenance de Mauthausen. Chaque semaine, arrivent des détenus.
Les Français détenus à Melk ont été environ 1 500, les premiers arrivés ont occupé des postes importants dans la hiérarchie interne.
Inscription sur le monument français au camp central de Mauthausen en Autriche :

« Les morts ne dorment pas, ils n’ont que cette pierre impuissante
à porter la foule de leurs noms.
La mémoire du crime est la seule prière, passant,
que nous te demandons ».

Sources

– Amicale française de Mauthausen : https://campmauthausen.org
– Mémorial de Mauthausen en Autriche : https://www.mauthausen-memorial.org
– DEBRISE (DREYFUS) Gilbert, Cimetières sans tombeaux, préface d’Aragon. Ed. La Bibliothèque française, 1945.
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– FREUND, Florian, Ebensee-Kommando de Mauthausen. Souvenirs de rescapés, édition revue et augmentée. Amicale de Mauthausen. Paris, 2016
– LACAZE, André, Le tunnel. Ed. Julliard,1978
– LAFFITTE, Jean, Ceux qui vivent, Ed. Hier et Aujour’dhui, 1947 ; rééd. Les Editeurs français réunis, 1958.
– LEE, Adeline, Les Français à Mauthausen-Par-delà la foule de leurs noms, éd. Tallandier, Paris, 2021
– SCHWANNINGER, Florian, Le château de Hartheim et le « Traitement spécial 14f13 », Revue d’Histoire de la Shoah, 2013/2 (N° 199)
– TESSIER, Christian et DEDET, Daphné, Du Loibl Pass à la brigade Liberté, éd. La clé du     chemin, 2015
– TILLARD, Paul, Le pain des temps maudits, éd. Julliard, 1965
– Zeitgeschichte Museum Ebensee- Camp de concentration d’Ebensee. Catalogue d’exposition 1999
http://www.melk-memorial.org
http://www.schloss-hartheim.at/
https://memorial-ebensee.at/website/index.php/fr/memorial-fr
http://jsegalavienne.wordpress.com/2010/11/12/un-film-qui-en-dit-long/
https://collections.ushmm.org : DÜRR Christian, Lechner Ralf, Wolfinger Stefan, Camp de concentration de Gusen 1939-1945, Traces-Fragments-Reconstruction, éd. KZ-  Gedenkstätte Gusen,1967     
https://afmd.org/en/loibl-pass-9379html
http://www.danube-culture.org/le-chateau-de-hartheim-bei-alkoven-centre-deuthanasie/
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php?larub=470
https://www.gusen-memorial.org/fr
https://www.cairn.info/revue-d-histoire-de-la-shoah
https://fr.wikiital.com/wiki/Campo_di_concentramento_di_Ebensee

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