La mémoire de la Déportation
durant la Seconde Guerre mondiale
au cimetière du Père Lachaise

© Mairie de Paris

Toi qui passes,
souviens-toi

RAVENSBRÜCK

Camp ouvert en mai 1939

© Vincent Gerbet

Description du monument

Ce monument a été inauguré le 23 avril 1955.
Sculptés par Emile Morlaix dans le granit, deux énormes avant-bras surgissent d’un chaos rocheux devant un mur aux blocs parfaitement taillés. L’ensemble traduit la brutalité et l’oppression à la fois organisées et arbitraires de l’univers concentrationnaire. Les poignets sont liés en signe d’asservissement. Une des mains, retombant vers le sol, évoque l’affaiblissement et la mort. L’autre, paume tournée vers le ciel, dressée, rappelle la permanence de l’espoir et la quête de liberté.

Gravé sur l’une des pierres du socle :

« Ici reposent des cendres de femmes déportées
martyres de la barbarie nazie
 1939-1945 »

 A l’arrière du monument, une plaque :

 « Le 29 avril 1951
Les déportées de Ravensbrück ont déposé ici des cendres
de leurs camarades assassinées dans ce camp.

Souvenez-vous d’elles. »

Le camp de Ravensbrück

Fin 1938, 500 hommes du camp de Sachsenhausen sont transférés dans le village de Ravensbrück, situé à 80 km au nord de Berlin, pour y construire ce qui allait devenir le plus grand camp de concentration pour femmes et le deuxième plus grand du Reich après Auschwitz-Birkenau.
Ouvert en mai 1939, les nazis y enferment les résistantes allemandes puis celles des pays conquis.
La villa du commandant se trouve devant le camp avec vue sur le lac. Quatre maisons sont réservées aux officiers supérieurs, dix aux sous-officiers et huit autres aux gardiennes.
Le siège de la direction SS et de l’administration est la Kommandantur. Le rez-de-chaussée abrite la « section politique » de la Gestapo, les bureaux de la censure ainsi que la « section des médecins du camp ». À l’étage, se trouvent les bureaux du commandant, le secrétariat, l’administration et le service du travail.
Les commandants seront au nombre de 3 : le Colonel SS Günther Tamaschke de décembre 1938 à avril 1939, le Capitaine SS Mac Keogel jusqu’au 20 août 1942, puis le Capitaine SS Fritz Suhren jusqu’à la fin en avril 1945.
L’encadrement des détenues est assuré par des femmes SS, les Aufseherinnen. Chaque block est commandé par une blockowa, ancienne déportée de droit commun aidée de deux stubowa.
La police du camp est confiée à des kapos organisés en sections de Lagerpolizei et portant un brassard rouge.

La villa du commandant
© AFMD 75

Au printemps 1941, un petit camp pour hommes, isolé de celui des femmes, est ajouté. Les détenus servent de main d’œuvre pour les constants travaux d’agrandissement du camp.
En août 1944, une tente entre les blocks 24 et 26 est érigée pour gérer la surpopulation : plus de 4 000 prisonnières y ont été entassées. En janvier 1945, cette surpopulation, doublée d’une mauvaise hygiène, entraîne une épidémie de typhus.
Pendant les premières années, les corps des décédées sont incinérés dans le crématoire communal de la ville de Fürstenberg, proche du camp. Au printemps 1943, les SS font construire un four crématoire, agrandi en 1944. Fin 1944, ils ajoutent une chambre à gaz. Commence l’extermination systématique des malades et des plus âgées. Les malades (de tuberculose, diphtérie, typhus, gale…) sont rassemblées dans les blocks 8 à 10. Au matin, elles seront sélectionnées pour la chambre à gaz ou les expérimentations médicales.
132 000 femmes et enfants et 20 000 hommes, venus de 30 pays, ont été enregistrés à Ravensbrück, dont une majorité de Polonaises (36%) et de Slaves (21%), les Françaises représentent 6%.
70 000 y périssent.

Les détenues

 – 70 000 opposantes politiques portant le triangle rouge (dont en août 1944, venant du camp d’Auschwitz, les survivantes françaises déportées de France le 24 janvier 1943 – premier convoi de femmes depuis la France et le seul convoi de résistantes pour Auschwitz, convoi dit des « 31 000 » ; cf camp d’Auschwitz-Birkenau)
– 20 000 juives au triangle jaune.
La majorité d’entre elles arrive fin 1944 devant l’avancée des Alliés et l’évacuation d’autres camps dont celui d’Auschwitz.
– 2 800 femmes et enfants tsiganes ou sinti, dont un millier transféré d’Auschwitz.
– des femmes homosexuelles, portant le triangle rose.
Beaucoup sont mortes dans l’indifférence, rejetées par leur famille.
– des femmes Témoins de Jéhovah au triangle violet
– 5 500 « asociales » portant le triangle noir.
Présentes dès l’ouverture du camp, il s’agit de femmes sans abri, alcooliques ou prostituées.      En échange de leur survie, les SS les obligeaient souvent à être prostituées dans le camp.
– des femmes soldates françaises et britanniques opératrices radio surnommées « les Merlinettes ».
Pour pallier le déficit en personnel masculin, le général Merlin, alors commandant des transmissions en Afrique du Nord, crée en novembre 1942, le Corps féminin de transmissions (CFT)
– 900 enfants seuls, de deux à seize ans évacués d’autres camps.
À partir de 12 ans, ils sont forcés à travailler pendant que les plus jeunes errent dans les baraquements.
Durant les premières années, les femmes enceintes sont avortées de force même en fin de grossesse. En cas d’accouchement, les nouveau-nés sont immédiatement tués. Cependant, en septembre 1944, est créé un baraquement spécial pour les nouveau-nés : la Kinderzimmer (chambre des enfants), dans le block 11, pièce avec deux planches en bois sur deux étages. Jusqu’à 10 nourrissons y étaient couchés en travers de chaque châlit.
Sur 522 naissances, 31 enfants ont survécu dont 3 Français.
Les « sélections » régulières isolaient les blessées, malades ou trop faibles pour travailler.
Au début, ces prisonnières étaient abattues sur place. Au printemps 1942, dans le cadre de l’opération « 14f13 », 1 600 femmes et 300 hommes sont transférés au sanatorium de Bernberg, dans lequel a été aménagée une chambre à gaz ayant servi de centre de mise à mort pour les personnes handicapées. De 1942 à fin 1944, 6 convois de Ravensbrück, transportant entre 60 à 1000 prisonnières, sont envoyés dans les centres de mise à mort, notamment celui de Hartheim, à côté de Linz, en Autriche. À Ravensbrück même, le personnel SS utilise l’infirmerie pour tuer des prisonnières par injection. D’autres étaient envoyées au centre de mise à mort de Birkenau.
Début 1945, les SS construisent une chambre à gaz près du crématorium de Ravensbrück.
Plus de 5 000 personnes y sont assassinées avant l’arrivée des troupes soviétiques en avril 1945.

À partir de l’été 1942, des expériences médicales sont menées, d’abord sur 75 Polonaises de 15 à 25 ans sur lesquelles les médecins nazis prélèvent os et muscles des jambes et inoculent sur les plaies ouvertes divers bacilles pour tester l’efficacité des sulfamides. Les survivantes, sautillantes, seront qualifiées de « lapins ». Début janvier 1945, les docteurs Treite et Schumann entreprennent la stérilisation à vif d’au moins 120 petites Tsiganes, roms ou sintis. Les plus jeunes ont 8 ans. Aucune survivante.
Le camp fournit de la main d’œuvre à une multitude d’entreprises allemandes (assainissement des marécages, construction de routes, industries d’armement), en particulier Siemens qui dès 1942, construit vingt halls de production à l’orée du camp. Les femmes fabriquent des composants pour les sous-marins. Jusqu’à 2 400 femmes ont été exploitées par Siemens qui ne sera pas inquiété après-guerre.
Dans l’atelier de couture du camp, les détenues cousent les vêtements pour les déportés et pour les SS. Le site s’agrandit pour accueillir des ateliers de tissage et de traitement des fourrures.

Travaux de terrassement
© DR

42 kommandos extérieurs, dont certains comptent plus de 10 000 déportées, fournissent une importante main d’œuvre pour l’armée ou les entreprises allemandes, comme ceux de Beendorf, près de Helmstedt (mines de sel), d’Abteroda, dépendant également de Buchenwald où des femmes juives fabriquent des explosifs, Genshagen pour Daimler-Benz, Hennigsdorf pour AEG, et d’autres comme Zwodau pour Siemens et Holleichen pour Skoda qui dépendront de Flossenbürg.

Uckermark
Au printemps 1942, est construit à 1,5 km du camp, celui de Uckermark, « camp pour la protection des jeunes » : 6 puis 17 baraques destinées aux jeunes filles allemandes classées comme « asociales ». Le fait d’aller danser, de boire, de se lier d’amitié avec des personnes juives, de refuser d’entrer dans « la ligue des jeunes filles allemandes » (Bund deutscher Mädchen) sont des motifs d’internement en tant que « délinquantes sexuelles ».
Entre 1 000 et 1 200 jeunes femmes, de 16 à 21 ans, y seront détenues.
À partir de 1944 y sont transférées de Ravensbrück celles qui, après sélection des SS, ne « servent plus » les entreprises. La majorité de ces femmes sont gazées dans des camions avant d’atteindre Uckermark.

L’évacuation du camp et sa libération

Au printemps 1945, l’Armée rouge se rapprochant, les SS commencent à évacuer leurs archives et les machines des ateliers. En même temps commencent les évacuations vers d’autres camps, dont celui de Mauthausen en Autriche pour 2 000 femmes. Celles qui ne sont pas en mesure de marcher sont assassinées.
La Croix-Rouge internationale parlemente pour emmener des prisonnières vers des pays neutres comme la Suède et la Suisse. Le 5 avril, 299 femmes françaises et une polonaise sont autorisées à quitter le camp sous son escorte.
Le camp est libéré par l’armée soviétique le 30 avril 1945 alors que presque toutes les détenues ont été évacuées. Il reste 2 000 malades.
Extrait du témoignage de Marie-Claude Vaillant-Couturier au procès de Nuremberg, lundi 28 janvier 1946, audience du matin :

National Archives, College Park, MD, USA

« Lorsque les Allemands sont partis, ils ont laissé 2 000 femmes malades et un certain nombre de volontaires, dont moi-même, pour les soigner ; ils nous ont laissées sans eau et sans lumière ; heureusement, les Russes sont arrivés le lendemain. Nous avons donc pu aller jusqu’au camp des hommes et là nous avons trouvé un spectacle indescriptible ; ils étaient depuis cinq jours sans eau. Il y avait 800 malades graves, trois médecins et sept infirmières qui n’arrivaient pas à retirer les morts de parmi les malades. Nous avons pu, grâce à l’Armée rouge, transporter ces malades dans des blocs propres et leur donner des soins et de la nourriture mais, malheureusement, je ne peux donner le chiffre que pour les Français : il y en avait 400 quand nous avons trouvé le camp et il n’y en a que 150 qui ont pu regagner la France ; pour les autres, il était trop tard, malgré les soins… »

L’intérieur du camp reste, de mai 1945 à janvier 1994, une zone militaire utilisée par l’Armée soviétique puis les forces de la Communauté des États Indépendants.
De décembre 1946 à juillet 1948, sept procès se sont tenus à Hambourg sous juridiction britannique, pour juger les responsables du camp. Au total, 38 accusés ont été jugés dont 21 femmes.

Le testament des femmes de Ravensbrück

Ce que l’on appelle le « Manifeste de Neubrandenbourg » a été écrit comme un testament pour la postérité par un groupe de femmes détenues politiques, de nationalités diverses, au printemps 1944 à Neubrandenbourg, un des kommandos de Ravensbrück :

« Nous formulons le vœu que nos enfants veuillent considérer l’existence libre des êtres humains comme valeur suprême, que le droit à la vie, le droit à la dignité personnelle et le droit à la liberté ne puissent plus jamais être violés. Dans la coexistence des peuples, l’égalité sociale et la justice doivent remplacer toutes les aspirations à la domination. »

A l’entrée du camp, un poème d’Anna Seghers, écrivaine allemande :

Mémorial national de Ravensbrück (Allemagne) : sculptures de Will Lammert 

La rose Résurrection, symbole de paix et du souvenir

Des 1945, les survivantes souhaitent célébrer la paix retrouvée et rendre hommage à leurs camarades mortes à Ravensbrück. Elles imaginent une rose qui pourrait devenir le symbole de cette paix et du souvenir. Depuis 1975 (30ème anniversaire de la libération des camps), la rose vient semer l’espoir aux quatre coins d’Europe, au pied des monuments et dans les espaces de souvenir.

Je suis Résurrection
Et tout au long des ans
Tout au long des saisons
Je resterai le témoin de vie
Qui protègera de la barbarie
Tous les enfants du monde

Sources

– Amicale de Ravensbrück et Association des Déportées et Internées de la Résistance, Les Françaises à Ravensbrück, Paris, Gallimard, 1965
– Amicale de Ravensbrück et des commandos dépendants, Revivre et construire demain, Paris, 1994
– Chombart de Lauwe, Marie-José, Toute une vie de résistance, éd. Graphein/FNDIRP, 1998
Fondation pour la Mémoire de la Déportation, « Mémoire Vivante », n°97 : Ravensbrück.
– Tillion Germaine, Ravensbrück, éd. du Seuil, 1973
– Internationales Ravensbrück Komitee :  https://irk-cir.org
– Mémorial de Ravensbrück, Allemagne : https://www.ravensbrueck-sbg.de/en/
https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/ravensbrueck

Ravensbrück

Camp ouvert en mai 1939

© Vincent Gerbet

Description du monument

Ce monument a été inauguré le 23 avril 1955.
Sculptés par Emile Morlaix dans le granit, deux énormes avant-bras surgissent d’un chaos rocheux devant un mur aux blocs parfaitement taillés. L’ensemble traduit la brutalité et l’oppression à la fois organisées et arbitraires de l’univers concentrationnaire. Les poignets sont liés en signe d’asservissement. Une des mains, retombant vers le sol, évoque l’affaiblissement et la mort. L’autre, paume tournée vers le ciel, dressée, rappelle la permanence de l’espoir et la quête de liberté.

Gravé sur l’une des pierres du socle :

« Ici reposent des cendres de femmes déportées
martyres de la barbarie nazie
 1939-1945 »

 A l’arrière du monument, une plaque :

 « Le 29 avril 1951
Les déportées de Ravensbrück ont déposé ici des cendres
de leurs camarades assassinées dans ce camp.

Souvenez-vous d’elles. »

Le camp de Ravensbrück

Fin 1938, 500 hommes du camp de Sachsenhausen sont transférés dans le village de Ravensbrück, situé à 80 km au nord de Berlin, pour y construire ce qui allait devenir le plus grand camp de concentration pour femmes et le deuxième plus grand du Reich après Auschwitz-Birkenau.
Ouvert en mai 1939, les nazis y enferment les résistantes allemandes puis celles des pays conquis.
La villa du commandant se trouve devant le camp avec vue sur le lac. Quatre maisons sont réservées aux officiers supérieurs, dix aux sous-officiers et huit autres aux gardiennes.
Le siège de la direction SS et de l’administration est la Kommandantur. Le rez-de-chaussée abrite la « section politique » de la Gestapo, les bureaux de la censure ainsi que la « section des médecins du camp ». À l’étage, se trouvent les bureaux du commandant, le secrétariat, l’administration et le service du travail.
Les commandants seront au nombre de 3 : le Colonel SS Günther Tamaschke de décembre 1938 à avril 1939, le Capitaine SS Mac Keogel jusqu’au 20 août 1942, puis le Capitaine SS Fritz Suhren jusqu’à la fin en avril 1945.
L’encadrement des détenues est assuré par des femmes SS, les Aufseherinnen. Chaque block est commandé par une blockowa, ancienne déportée de droit commun aidée de deux stubowa.
La police du camp est confiée à des kapos organisés en sections de Lagerpolizei et portant un brassard rouge.

La villa du commandant
© AFMD 75

Au printemps 1941, un petit camp pour hommes, isolé de celui des femmes, est ajouté. Les détenus servent de main d’œuvre pour les constants travaux d’agrandissement du camp.
En août 1944, une tente entre les blocks 24 et 26 est érigée pour gérer la surpopulation : plus de 4 000 prisonnières y ont été entassées. En janvier 1945, cette surpopulation, doublée d’une mauvaise hygiène, entraîne une épidémie de typhus.
Pendant les premières années, les corps des décédées sont incinérés dans le crématoire communal de la ville de Fürstenberg, proche du camp. Au printemps 1943, les SS font construire un four crématoire, agrandi en 1944. Fin 1944, ils ajoutent une chambre à gaz. Commence l’extermination systématique des malades et des plus âgées. Les malades (de tuberculose, diphtérie, typhus, gale…) sont rassemblées dans les blocks 8 à 10. Au matin, elles seront sélectionnées pour la chambre à gaz ou les expérimentations médicales.
132 000 femmes et enfants et 20 000 hommes, venus de 30 pays, ont été enregistrés à Ravensbrück, dont une majorité de Polonaises (36%) et de Slaves (21%), les Françaises représentent 6%.
70 000 y périssent.

Les détenues

 – 70 000 opposantes politiques portant le triangle rouge (dont en août 1944, venant du camp d’Auschwitz, les survivantes françaises déportées de France le 24 janvier 1943 – premier convoi de femmes depuis la France et le seul convoi de résistantes pour Auschwitz, convoi dit des « 31 000 » ; cf camp d’Auschwitz-Birkenau)
– 20 000 juives au triangle jaune.
La majorité d’entre elles arrive fin 1944 devant l’avancée des Alliés et l’évacuation d’autres camps dont celui d’Auschwitz.
– 2 800 femmes et enfants tsiganes ou sinti, dont un millier transféré d’Auschwitz.
– des femmes homosexuelles, portant le triangle rose.
Beaucoup sont mortes dans l’indifférence, rejetées par leur famille.
– des femmes Témoins de Jéhovah au triangle violet
– 5 500 « asociales » portant le triangle noir.
Présentes dès l’ouverture du camp, il s’agit de femmes sans abri, alcooliques ou prostituées.      En échange de leur survie, les SS les obligeaient souvent à être prostituées dans le camp.
– des femmes soldates françaises et britanniques opératrices radio surnommées « les Merlinettes ».
Pour pallier le déficit en personnel masculin, le général Merlin, alors commandant des transmissions en Afrique du Nord, crée en novembre 1942, le Corps féminin de transmissions (CFT)
– 900 enfants seuls, de deux à seize ans évacués d’autres camps.
À partir de 12 ans, ils sont forcés à travailler pendant que les plus jeunes errent dans les baraquements.
Durant les premières années, les femmes enceintes sont avortées de force même en fin de grossesse. En cas d’accouchement, les nouveau-nés sont immédiatement tués. Cependant, en septembre 1944, est créé un baraquement spécial pour les nouveau-nés : la Kinderzimmer (chambre des enfants), dans le block 11, pièce avec deux planches en bois sur deux étages. Jusqu’à 10 nourrissons y étaient couchés en travers de chaque châlit.
Sur 522 naissances, 31 enfants ont survécu dont 3 Français.
Les « sélections » régulières isolaient les blessées, malades ou trop faibles pour travailler.
Au début, ces prisonnières étaient abattues sur place. Au printemps 1942, dans le cadre de l’opération « 14f13 », 1 600 femmes et 300 hommes sont transférés au sanatorium de Bernberg, dans lequel a été aménagée une chambre à gaz ayant servi de centre de mise à mort pour les personnes handicapées. De 1942 à fin 1944, 6 convois de Ravensbrück, transportant entre 60 à 1000 prisonnières, sont envoyés dans les centres de mise à mort, notamment celui de Hartheim, à côté de Linz, en Autriche. À Ravensbrück même, le personnel SS utilise l’infirmerie pour tuer des prisonnières par injection. D’autres étaient envoyées au centre de mise à mort de Birkenau.
Début 1945, les SS construisent une chambre à gaz près du crématorium de Ravensbrück.
Plus de 5 000 personnes y sont assassinées avant l’arrivée des troupes soviétiques en avril 1945.

À partir de l’été 1942, des expériences médicales sont menées, d’abord sur 75 Polonaises de 15 à 25 ans sur lesquelles les médecins nazis prélèvent os et muscles des jambes et inoculent sur les plaies ouvertes divers bacilles pour tester l’efficacité des sulfamides. Les survivantes, sautillantes, seront qualifiées de « lapins ». Début janvier 1945, les docteurs Treite et Schumann entreprennent la stérilisation à vif d’au moins 120 petites Tsiganes, roms ou sintis. Les plus jeunes ont 8 ans. Aucune survivante.
Le camp fournit de la main d’œuvre à une multitude d’entreprises allemandes (assainissement des marécages, construction de routes, industries d’armement), en particulier Siemens qui dès 1942, construit vingt halls de production à l’orée du camp. Les femmes fabriquent des composants pour les sous-marins. Jusqu’à 2 400 femmes ont été exploitées par Siemens qui ne sera pas inquiété après-guerre.
Dans l’atelier de couture du camp, les détenues cousent les vêtements pour les déportés et pour les SS. Le site s’agrandit pour accueillir des ateliers de tissage et de traitement des fourrures.

Travaux de terrassement
© DR

42 kommandos extérieurs, dont certains comptent plus de 10 000 déportées, fournissent une importante main d’œuvre pour l’armée ou les entreprises allemandes, comme ceux de Beendorf, près de Helmstedt (mines de sel), d’Abteroda, dépendant également de Buchenwald où des femmes juives fabriquent des explosifs, Genshagen pour Daimler-Benz, Hennigsdorf pour AEG, et d’autres comme Zwodau pour Siemens et Holleichen pour Skoda qui dépendront de Flossenbürg.

Uckermark
Au printemps 1942, est construit à 1,5 km du camp, celui de Uckermark, « camp pour la protection des jeunes » : 6 puis 17 baraques destinées aux jeunes filles allemandes classées comme « asociales ». Le fait d’aller danser, de boire, de se lier d’amitié avec des personnes juives, de refuser d’entrer dans « la ligue des jeunes filles allemandes » (Bund deutscher Mädchen) sont des motifs d’internement en tant que « délinquantes sexuelles ».
Entre 1 000 et 1 200 jeunes femmes, de 16 à 21 ans, y seront détenues.
À partir de 1944 y sont transférées de Ravensbrück celles qui, après sélection des SS, ne « servent plus » les entreprises. La majorité de ces femmes sont gazées dans des camions avant d’atteindre Uckermark.

L’évacuation du camp et sa libération

Au printemps 1945, l’Armée rouge se rapprochant, les SS commencent à évacuer leurs archives et les machines des ateliers. En même temps commencent les évacuations vers d’autres camps, dont celui de Mauthausen en Autriche pour 2 000 femmes. Celles qui ne sont pas en mesure de marcher sont assassinées.
La Croix-Rouge internationale parlemente pour emmener des prisonnières vers des pays neutres comme la Suède et la Suisse. Le 5 avril, 299 femmes françaises et une polonaise sont autorisées à quitter le camp sous son escorte.
Le camp est libéré par l’armée soviétique le 30 avril 1945 alors que presque toutes les détenues ont été évacuées. Il reste 2 000 malades.
Extrait du témoignage de Marie-Claude Vaillant-Couturier au procès de Nuremberg, lundi 28 janvier 1946, audience du matin :

National Archives, College Park, MD, USA

« Lorsque les Allemands sont partis, ils ont laissé 2 000 femmes malades et un certain nombre de volontaires, dont moi-même, pour les soigner ; ils nous ont laissées sans eau et sans lumière ; heureusement, les Russes sont arrivés le lendemain. Nous avons donc pu aller jusqu’au camp des hommes et là nous avons trouvé un spectacle indescriptible ; ils étaient depuis cinq jours sans eau. Il y avait 800 malades graves, trois médecins et sept infirmières qui n’arrivaient pas à retirer les morts de parmi les malades. Nous avons pu, grâce à l’Armée rouge, transporter ces malades dans des blocs propres et leur donner des soins et de la nourriture mais, malheureusement, je ne peux donner le chiffre que pour les Français : il y en avait 400 quand nous avons trouvé le camp et il n’y en a que 150 qui ont pu regagner la France ; pour les autres, il était trop tard, malgré les soins… »

L’intérieur du camp reste, de mai 1945 à janvier 1994, une zone militaire utilisée par l’Armée soviétique puis les forces de la Communauté des États Indépendants.
De décembre 1946 à juillet 1948, sept procès se sont tenus à Hambourg sous juridiction britannique, pour juger les responsables du camp. Au total, 38 accusés ont été jugés dont 21 femmes.

Le testament des femmes de Ravensbrück

Ce que l’on appelle le « Manifeste de Neubrandenbourg » a été écrit comme un testament pour la postérité par un groupe de femmes détenues politiques, de nationalités diverses, au printemps 1944 à Neubrandenbourg, un des kommandos de Ravensbrück :

« Nous formulons le vœu que nos enfants veuillent considérer l’existence libre des êtres humains comme valeur suprême, que le droit à la vie, le droit à la dignité personnelle et le droit à la liberté ne puissent plus jamais être violés. Dans la coexistence des peuples, l’égalité sociale et la justice doivent remplacer toutes les aspirations à la domination. »

A l’entrée du camp, un poème d’Anna Seghers, écrivaine allemande :

Mémorial national de Ravensbrück (Allemagne) : sculptures de Will Lammert 

La rose Résurrection, symbole de paix et du souvenir

Des 1945, les survivantes souhaitent célébrer la paix retrouvée et rendre hommage à leurs camarades mortes à Ravensbrück. Elles imaginent une rose qui pourrait devenir le symbole de cette paix et du souvenir. Depuis 1975 (30ème anniversaire de la libération des camps), la rose vient semer l’espoir aux quatre coins d’Europe, au pied des monuments et dans les espaces de souvenir.

Je suis Résurrection
Et tout au long des ans
Tout au long des saisons
Je resterai le témoin de vie
Qui protègera de la barbarie
Tous les enfants du monde

Sources

– Amicale de Ravensbrück et Association des Déportées et Internées de la Résistance, Les Françaises à Ravensbrück, Paris, Gallimard, 1965
– Amicale de Ravensbrück et des commandos dépendants, Revivre et construire demain, Paris, 1994
– Chombart de Lauwe, Marie-José, Toute une vie de résistance, éd. Graphein/FNDIRP, 1998
Fondation pour la Mémoire de la Déportation, « Mémoire Vivante », n°97 : Ravensbrück.
– Tillion Germaine, Ravensbrück, éd. du Seuil, 1973
– Internationales Ravensbrück Komitee :  https://irk-cir.org
– Mémorial de Ravensbrück, Allemagne : https://www.ravensbrueck-sbg.de/en/
https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/ravensbrueck

Délégation de Paris des Amis de la Fondation
pour la Mémoire de la Déportation
31 Boulevard Saint-Germain 75005 Paris
Contact : afmd.dt75@gmail.com
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Délégation de Paris
des Amis
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