La mémoire de la Déportation
durant la Seconde Guerre mondiale
au cimetiĂšre du PĂšre Lachaise

© Mairie de Paris

Toi qui passes,
souviens-toi

RAVENSBRÜCK

Camp ouvert en mai 1939

© Vincent Gerbet

Description du monument

Ce monument a été inauguré le 23 avril 1955.
SculptĂ©s par Emile Morlaix dans le granit, deux Ă©normes avant-bras surgissent d’un chaos rocheux devant un mur aux blocs parfaitement taillĂ©s. L’ensemble traduit la brutalitĂ© et l’oppression Ă  la fois organisĂ©es et arbitraires de l’univers concentrationnaire. Les poignets sont liĂ©s en signe d’asservissement. Une des mains, retombant vers le sol, Ă©voque l’affaiblissement et la mort. L’autre, paume tournĂ©e vers le ciel, dressĂ©e, rappelle la permanence de l’espoir et la quĂȘte de libertĂ©.

GravĂ© sur l’une des pierres du socle :

« Ici reposent des cendres de femmes déportées
martyres de la barbarie nazie
 1939-1945 »

 A l’arriùre du monument, une plaque :

 « Le 29 avril 1951
Les dĂ©portĂ©es de RavensbrĂŒck ont dĂ©posĂ© ici des cendres
de leurs camarades assassinées dans ce camp.

Souvenez-vous d’elles. »

Le camp de RavensbrĂŒck

Fin 1938, 500 hommes du camp de Sachsenhausen sont transfĂ©rĂ©s dans le village de RavensbrĂŒck, situĂ© Ă  80 km au nord de Berlin, pour y construire ce qui allait devenir le plus grand camp de concentration pour femmes et le deuxiĂšme plus grand du Reich aprĂšs Auschwitz-Birkenau.
Ouvert en mai 1939, les nazis y enferment les résistantes allemandes puis celles des pays conquis.
La villa du commandant se trouve devant le camp avec vue sur le lac. Quatre maisons sont réservées aux officiers supérieurs, dix aux sous-officiers et huit autres aux gardiennes.
Le siĂšge de la direction SS et de l’administration est la Kommandantur. Le rez-de-chaussĂ©e abrite la « section politique » de la Gestapo, les bureaux de la censure ainsi que la « section des mĂ©decins du camp ». À l’étage, se trouvent les bureaux du commandant, le secrĂ©tariat, l’administration et le service du travail.
Les commandants seront au nombre de 3 : le Colonel SS GĂŒnther Tamaschke de dĂ©cembre 1938 Ă  avril 1939, le Capitaine SS Mac Keogel jusqu’au 20 aoĂ»t 1942, puis le Capitaine SS Fritz Suhren jusqu’Ă  la fin en avril 1945.
L’encadrement des dĂ©tenues est assurĂ© par des femmes SS, les Aufseherinnen. Chaque block est commandĂ© par une blockowa, ancienne dĂ©portĂ©e de droit commun aidĂ©e de deux stubowa.
La police du camp est confiée à des kapos organisés en sections de Lagerpolizei et portant un brassard rouge.

La villa du commandant
© AFMD 75

Au printemps 1941, un petit camp pour hommes, isolĂ© de celui des femmes, est ajoutĂ©. Les dĂ©tenus servent de main d’Ɠuvre pour les constants travaux d’agrandissement du camp.
En aoĂ»t 1944, une tente entre les blocks 24 et 26 est Ă©rigĂ©e pour gĂ©rer la surpopulation : plus de 4 000 prisonniĂšres y ont Ă©tĂ© entassĂ©es. En janvier 1945, cette surpopulation, doublĂ©e d’une mauvaise hygiĂšne, entraĂźne une Ă©pidĂ©mie de typhus.
Pendant les premiĂšres annĂ©es, les corps des dĂ©cĂ©dĂ©es sont incinĂ©rĂ©s dans le crĂ©matoire communal de la ville de FĂŒrstenberg, proche du camp. Au printemps 1943, les SS font construire un four crĂ©matoire, agrandi en 1944. Fin 1944, ils ajoutent une chambre Ă  gaz. Commence l’extermination systĂ©matique des malades et des plus ĂągĂ©es. Les malades (de tuberculose, diphtĂ©rie, typhus, gale
) sont rassemblĂ©es dans les blocks 8 Ă  10. Au matin, elles seront sĂ©lectionnĂ©es pour la chambre Ă  gaz ou les expĂ©rimentations mĂ©dicales.
132 000 femmes et enfants et 20 000 hommes, venus de 30 pays, ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s Ă  RavensbrĂŒck, dont une majoritĂ© de Polonaises (36%) et de Slaves (21%), les Françaises reprĂ©sentent 6%.
70 000 y périssent.

Les détenues

 – 70 000 opposantes politiques portant le triangle rouge (dont en aoĂ»t 1944, venant du camp d’Auschwitz, les survivantes françaises dĂ©portĂ©es de France le 24 janvier 1943 – premier convoi de femmes depuis la France et le seul convoi de rĂ©sistantes pour Auschwitz, convoi dit des « 31 000 » ; cf camp d’Auschwitz-Birkenau)
– 20 000 juives au triangle jaune.
La majoritĂ© d’entre elles arrive fin 1944 devant l’avancĂ©e des AlliĂ©s et l’évacuation d’autres camps dont celui d’Auschwitz.
– 2 800 femmes et enfants tsiganes ou sinti, dont un millier transfĂ©rĂ© d’Auschwitz.
– des femmes homosexuelles, portant le triangle rose.
Beaucoup sont mortes dans l’indiffĂ©rence, rejetĂ©es par leur famille.
– des femmes TĂ©moins de JĂ©hovah au triangle violet
– 5 500 « asociales » portant le triangle noir.
PrĂ©sentes dĂšs l’ouverture du camp, il s’agit de femmes sans abri, alcooliques ou prostituĂ©es.      En Ă©change de leur survie, les SS les obligeaient souvent Ă  ĂȘtre prostituĂ©es dans le camp.
– des femmes soldates françaises et britanniques opĂ©ratrices radio surnommĂ©es « les Merlinettes ».
Pour pallier le déficit en personnel masculin, le général Merlin, alors commandant des transmissions en Afrique du Nord, crée en novembre 1942, le Corps féminin de transmissions (CFT)
– 900 enfants seuls, de deux Ă  seize ans Ă©vacuĂ©s d’autres camps.
À partir de 12 ans, ils sont forcĂ©s Ă  travailler pendant que les plus jeunes errent dans les baraquements.
Durant les premiĂšres annĂ©es, les femmes enceintes sont avortĂ©es de force mĂȘme en fin de grossesse. En cas d’accouchement, les nouveau-nĂ©s sont immĂ©diatement tuĂ©s. Cependant, en septembre 1944, est créé un baraquement spĂ©cial pour les nouveau-nĂ©s : la Kinderzimmer (chambre des enfants), dans le block 11, piĂšce avec deux planches en bois sur deux Ă©tages. Jusqu’à 10 nourrissons y Ă©taient couchĂ©s en travers de chaque chĂąlit.
Sur 522 naissances, 31 enfants ont survécu dont 3 Français.
Les « sélections » réguliÚres isolaient les blessées, malades ou trop faibles pour travailler.
Au dĂ©but, ces prisonniĂšres Ă©taient abattues sur place. Au printemps 1942, dans le cadre de l’opĂ©ration « 14f13 », 1 600 femmes et 300 hommes sont transfĂ©rĂ©s au sanatorium de Bernberg, dans lequel a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e une chambre Ă  gaz ayant servi de centre de mise Ă  mort pour les personnes handicapĂ©es. De 1942 Ă  fin 1944, 6 convois de RavensbrĂŒck, transportant entre 60 Ă  1000 prisonniĂšres, sont envoyĂ©s dans les centres de mise Ă  mort, notamment celui de Hartheim, Ă  cĂŽtĂ© de Linz, en Autriche. À RavensbrĂŒck mĂȘme, le personnel SS utilise l’infirmerie pour tuer des prisonniĂšres par injection. D’autres Ă©taient envoyĂ©es au centre de mise Ă  mort de Birkenau.
DĂ©but 1945, les SS construisent une chambre Ă  gaz prĂšs du crĂ©matorium de RavensbrĂŒck.
Plus de 5 000 personnes y sont assassinĂ©es avant l’arrivĂ©e des troupes soviĂ©tiques en avril 1945.

À partir de l’Ă©tĂ© 1942, des expĂ©riences mĂ©dicales sont menĂ©es, d’abord sur 75 Polonaises de 15 Ă  25 ans sur lesquelles les mĂ©decins nazis prĂ©lĂšvent os et muscles des jambes et inoculent sur les plaies ouvertes divers bacilles pour tester l’efficacitĂ© des sulfamides. Les survivantes, sautillantes, seront qualifiĂ©es de « lapins ». DĂ©but janvier 1945, les docteurs Treite et Schumann entreprennent la stĂ©rilisation Ă  vif d’au moins 120 petites Tsiganes, roms ou sintis. Les plus jeunes ont 8 ans. Aucune survivante.
Le camp fournit de la main d’Ɠuvre Ă  une multitude d’entreprises allemandes (assainissement des marĂ©cages, construction de routes, industries d’armement), en particulier Siemens qui dĂšs 1942, construit vingt halls de production Ă  l’orĂ©e du camp. Les femmes fabriquent des composants pour les sous-marins. Jusqu’à 2 400 femmes ont Ă©tĂ© exploitĂ©es par Siemens qui ne sera pas inquiĂ©tĂ© aprĂšs-guerre.
Dans l’atelier de couture du camp, les dĂ©tenues cousent les vĂȘtements pour les dĂ©portĂ©s et pour les SS. Le site s’agrandit pour accueillir des ateliers de tissage et de traitement des fourrures.

Travaux de terrassement
© DR

42 kommandos extĂ©rieurs, dont certains comptent plus de 10 000 dĂ©portĂ©es, fournissent une importante main d’Ɠuvre pour l’armĂ©e ou les entreprises allemandes, comme ceux de Beendorf, prĂšs de Helmstedt (mines de sel), d’Abteroda, dĂ©pendant Ă©galement de Buchenwald oĂč des femmes juives fabriquent des explosifs, Genshagen pour Daimler-Benz, Hennigsdorf pour AEG, et d’autres comme Zwodau pour Siemens et Holleichen pour Skoda qui dĂ©pendront de FlossenbĂŒrg.

Uckermark
Au printemps 1942, est construit Ă  1,5 km du camp, celui de Uckermark, « camp pour la protection des jeunes » : 6 puis 17 baraques destinĂ©es aux jeunes filles allemandes classĂ©es comme « asociales ». Le fait d’aller danser, de boire, de se lier d’amitiĂ© avec des personnes juives, de refuser d’entrer dans « la ligue des jeunes filles allemandes » (Bund deutscher MĂ€dchen) sont des motifs d’internement en tant que « dĂ©linquantes sexuelles ».
Entre 1 000 et 1 200 jeunes femmes, de 16 à 21 ans, y seront détenues.
À partir de 1944 y sont transfĂ©rĂ©es de RavensbrĂŒck celles qui, aprĂšs sĂ©lection des SS, ne « servent plus » les entreprises. La majoritĂ© de ces femmes sont gazĂ©es dans des camions avant d’atteindre Uckermark.

L’évacuation du camp et sa libĂ©ration

Au printemps 1945, l’ArmĂ©e rouge se rapprochant, les SS commencent Ă  Ă©vacuer leurs archives et les machines des ateliers. En mĂȘme temps commencent les Ă©vacuations vers d’autres camps, dont celui de Mauthausen en Autriche pour 2 000 femmes. Celles qui ne sont pas en mesure de marcher sont assassinĂ©es.
La Croix-Rouge internationale parlemente pour emmener des prisonniÚres vers des pays neutres comme la SuÚde et la Suisse. Le 5 avril, 299 femmes françaises et une polonaise sont autorisées à quitter le camp sous son escorte.
Le camp est libĂ©rĂ© par l’armĂ©e soviĂ©tique le 30 avril 1945 alors que presque toutes les dĂ©tenues ont Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©es. Il reste 2 000 malades.
Extrait du témoignage de Marie-Claude Vaillant-Couturier au procÚs de Nuremberg, lundi 28 janvier 1946, audience du matin :

National Archives, College Park, MD, USA

« Lorsque les Allemands sont partis, ils ont laissĂ© 2 000 femmes malades et un certain nombre de volontaires, dont moi-mĂȘme, pour les soigner ; ils nous ont laissĂ©es sans eau et sans lumiĂšre ; heureusement, les Russes sont arrivĂ©s le lendemain. Nous avons donc pu aller jusqu’au camp des hommes et lĂ  nous avons trouvĂ© un spectacle indescriptible ; ils Ă©taient depuis cinq jours sans eau. Il y avait 800 malades graves, trois mĂ©decins et sept infirmiĂšres qui n’arrivaient pas Ă  retirer les morts de parmi les malades. Nous avons pu, grĂące Ă  l’ArmĂ©e rouge, transporter ces malades dans des blocs propres et leur donner des soins et de la nourriture mais, malheureusement, je ne peux donner le chiffre que pour les Français : il y en avait 400 quand nous avons trouvĂ© le camp et il n’y en a que 150 qui ont pu regagner la France ; pour les autres, il Ă©tait trop tard, malgrĂ© les soins
 »

L’intĂ©rieur du camp reste, de mai 1945 Ă  janvier 1994, une zone militaire utilisĂ©e par l’ArmĂ©e soviĂ©tique puis les forces de la CommunautĂ© des États IndĂ©pendants.
De décembre 1946 à juillet 1948, sept procÚs se sont tenus à Hambourg sous juridiction britannique, pour juger les responsables du camp. Au total, 38 accusés ont été jugés dont 21 femmes.

Le testament des femmes de RavensbrĂŒck

Ce que l’on appelle le « Manifeste de Neubrandenbourg » a Ă©tĂ© Ă©crit comme un testament pour la postĂ©ritĂ© par un groupe de femmes dĂ©tenues politiques, de nationalitĂ©s diverses, au printemps 1944 Ă  Neubrandenbourg, un des kommandos de RavensbrĂŒck :

« Nous formulons le vƓu que nos enfants veuillent considĂ©rer l’existence libre des ĂȘtres humains comme valeur suprĂȘme, que le droit Ă  la vie, le droit Ă  la dignitĂ© personnelle et le droit Ă  la libertĂ© ne puissent plus jamais ĂȘtre violĂ©s. Dans la coexistence des peuples, l’égalitĂ© sociale et la justice doivent remplacer toutes les aspirations Ă  la domination. »

A l’entrĂ©e du camp, un poĂšme d’Anna Seghers, Ă©crivaine allemande :

MĂ©morial national de RavensbrĂŒck (Allemagne) : sculptures de Will Lammert 

La rose Résurrection, symbole de paix et du souvenir

Des 1945, les survivantes souhaitent cĂ©lĂ©brer la paix retrouvĂ©e et rendre hommage Ă  leurs camarades mortes Ă  RavensbrĂŒck. Elles imaginent une rose qui pourrait devenir le symbole de cette paix et du souvenir. Depuis 1975 (30Ăšme anniversaire de la libĂ©ration des camps), la rose vient semer l’espoir aux quatre coins d’Europe, au pied des monuments et dans les espaces de souvenir.

â‰Ș Je suis RĂ©surrection
Et tout au long des ans
Tout au long des saisons
Je resterai le témoin de vie
Qui protĂšgera de la barbarie
Tous les enfants du monde ≫

Sources

– Amicale de RavensbrĂŒck et Association des DĂ©portĂ©es et InternĂ©es de la RĂ©sistance, Les Françaises Ă  RavensbrĂŒck, Paris, Gallimard, 1965
– Amicale de RavensbrĂŒck et des commandos dĂ©pendants, Revivre et construire demain, Paris, 1994
– Chombart de Lauwe, Marie-JosĂ©, Toute une vie de rĂ©sistance, Ă©d. Graphein/FNDIRP, 1998
Fondation pour la MĂ©moire de la DĂ©portation, « MĂ©moire Vivante », n°97 : RavensbrĂŒck.
– Tillion Germaine, RavensbrĂŒck, Ă©d. du Seuil, 1973
– Internationales RavensbrĂŒck Komitee :  https://irk-cir.org
– MĂ©morial de RavensbrĂŒck, Allemagne : https://www.ravensbrueck-sbg.de/en/
https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/ravensbrueck

RavensbrĂŒck

Camp ouvert en mai 1939

© Vincent Gerbet

Description du monument

Ce monument a été inauguré le 23 avril 1955.
SculptĂ©s par Emile Morlaix dans le granit, deux Ă©normes avant-bras surgissent d’un chaos rocheux devant un mur aux blocs parfaitement taillĂ©s. L’ensemble traduit la brutalitĂ© et l’oppression Ă  la fois organisĂ©es et arbitraires de l’univers concentrationnaire. Les poignets sont liĂ©s en signe d’asservissement. Une des mains, retombant vers le sol, Ă©voque l’affaiblissement et la mort. L’autre, paume tournĂ©e vers le ciel, dressĂ©e, rappelle la permanence de l’espoir et la quĂȘte de libertĂ©.

GravĂ© sur l’une des pierres du socle :

« Ici reposent des cendres de femmes déportées
martyres de la barbarie nazie
 1939-1945 »

 A l’arriùre du monument, une plaque :

 « Le 29 avril 1951
Les dĂ©portĂ©es de RavensbrĂŒck ont dĂ©posĂ© ici des cendres
de leurs camarades assassinées dans ce camp.

Souvenez-vous d’elles. »

Le camp de RavensbrĂŒck

Fin 1938, 500 hommes du camp de Sachsenhausen sont transfĂ©rĂ©s dans le village de RavensbrĂŒck, situĂ© Ă  80 km au nord de Berlin, pour y construire ce qui allait devenir le plus grand camp de concentration pour femmes et le deuxiĂšme plus grand du Reich aprĂšs Auschwitz-Birkenau.
Ouvert en mai 1939, les nazis y enferment les résistantes allemandes puis celles des pays conquis.
La villa du commandant se trouve devant le camp avec vue sur le lac. Quatre maisons sont réservées aux officiers supérieurs, dix aux sous-officiers et huit autres aux gardiennes.
Le siĂšge de la direction SS et de l’administration est la Kommandantur. Le rez-de-chaussĂ©e abrite la « section politique » de la Gestapo, les bureaux de la censure ainsi que la « section des mĂ©decins du camp ». À l’étage, se trouvent les bureaux du commandant, le secrĂ©tariat, l’administration et le service du travail.
Les commandants seront au nombre de 3 : le Colonel SS GĂŒnther Tamaschke de dĂ©cembre 1938 Ă  avril 1939, le Capitaine SS Mac Keogel jusqu’au 20 aoĂ»t 1942, puis le Capitaine SS Fritz Suhren jusqu’Ă  la fin en avril 1945.
L’encadrement des dĂ©tenues est assurĂ© par des femmes SS, les Aufseherinnen. Chaque block est commandĂ© par une blockowa, ancienne dĂ©portĂ©e de droit commun aidĂ©e de deux stubowa.
La police du camp est confiée à des kapos organisés en sections de Lagerpolizei et portant un brassard rouge.

La villa du commandant
© AFMD 75

Au printemps 1941, un petit camp pour hommes, isolĂ© de celui des femmes, est ajoutĂ©. Les dĂ©tenus servent de main d’Ɠuvre pour les constants travaux d’agrandissement du camp.
En aoĂ»t 1944, une tente entre les blocks 24 et 26 est Ă©rigĂ©e pour gĂ©rer la surpopulation : plus de 4 000 prisonniĂšres y ont Ă©tĂ© entassĂ©es. En janvier 1945, cette surpopulation, doublĂ©e d’une mauvaise hygiĂšne, entraĂźne une Ă©pidĂ©mie de typhus.
Pendant les premiĂšres annĂ©es, les corps des dĂ©cĂ©dĂ©es sont incinĂ©rĂ©s dans le crĂ©matoire communal de la ville de FĂŒrstenberg, proche du camp. Au printemps 1943, les SS font construire un four crĂ©matoire, agrandi en 1944. Fin 1944, ils ajoutent une chambre Ă  gaz. Commence l’extermination systĂ©matique des malades et des plus ĂągĂ©es. Les malades (de tuberculose, diphtĂ©rie, typhus, gale
) sont rassemblĂ©es dans les blocks 8 Ă  10. Au matin, elles seront sĂ©lectionnĂ©es pour la chambre Ă  gaz ou les expĂ©rimentations mĂ©dicales.
132 000 femmes et enfants et 20 000 hommes, venus de 30 pays, ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s Ă  RavensbrĂŒck, dont une majoritĂ© de Polonaises (36%) et de Slaves (21%), les Françaises reprĂ©sentent 6%.
70 000 y périssent.

Les détenues

 – 70 000 opposantes politiques portant le triangle rouge (dont en aoĂ»t 1944, venant du camp d’Auschwitz, les survivantes françaises dĂ©portĂ©es de France le 24 janvier 1943 – premier convoi de femmes depuis la France et le seul convoi de rĂ©sistantes pour Auschwitz, convoi dit des « 31 000 » ; cf camp d’Auschwitz-Birkenau)
– 20 000 juives au triangle jaune.
La majoritĂ© d’entre elles arrive fin 1944 devant l’avancĂ©e des AlliĂ©s et l’évacuation d’autres camps dont celui d’Auschwitz.
– 2 800 femmes et enfants tsiganes ou sinti, dont un millier transfĂ©rĂ© d’Auschwitz.
– des femmes homosexuelles, portant le triangle rose.
Beaucoup sont mortes dans l’indiffĂ©rence, rejetĂ©es par leur famille.
– des femmes TĂ©moins de JĂ©hovah au triangle violet
– 5 500 « asociales » portant le triangle noir.
PrĂ©sentes dĂšs l’ouverture du camp, il s’agit de femmes sans abri, alcooliques ou prostituĂ©es.      En Ă©change de leur survie, les SS les obligeaient souvent Ă  ĂȘtre prostituĂ©es dans le camp.
– des femmes soldates françaises et britanniques opĂ©ratrices radio surnommĂ©es « les Merlinettes ».
Pour pallier le déficit en personnel masculin, le général Merlin, alors commandant des transmissions en Afrique du Nord, crée en novembre 1942, le Corps féminin de transmissions (CFT)
– 900 enfants seuls, de deux Ă  seize ans Ă©vacuĂ©s d’autres camps.
À partir de 12 ans, ils sont forcĂ©s Ă  travailler pendant que les plus jeunes errent dans les baraquements.
Durant les premiĂšres annĂ©es, les femmes enceintes sont avortĂ©es de force mĂȘme en fin de grossesse. En cas d’accouchement, les nouveau-nĂ©s sont immĂ©diatement tuĂ©s. Cependant, en septembre 1944, est créé un baraquement spĂ©cial pour les nouveau-nĂ©s : la Kinderzimmer (chambre des enfants), dans le block 11, piĂšce avec deux planches en bois sur deux Ă©tages. Jusqu’à 10 nourrissons y Ă©taient couchĂ©s en travers de chaque chĂąlit.
Sur 522 naissances, 31 enfants ont survécu dont 3 Français.
Les « sélections » réguliÚres isolaient les blessées, malades ou trop faibles pour travailler.
Au dĂ©but, ces prisonniĂšres Ă©taient abattues sur place. Au printemps 1942, dans le cadre de l’opĂ©ration « 14f13 », 1 600 femmes et 300 hommes sont transfĂ©rĂ©s au sanatorium de Bernberg, dans lequel a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e une chambre Ă  gaz ayant servi de centre de mise Ă  mort pour les personnes handicapĂ©es. De 1942 Ă  fin 1944, 6 convois de RavensbrĂŒck, transportant entre 60 Ă  1000 prisonniĂšres, sont envoyĂ©s dans les centres de mise Ă  mort, notamment celui de Hartheim, Ă  cĂŽtĂ© de Linz, en Autriche. À RavensbrĂŒck mĂȘme, le personnel SS utilise l’infirmerie pour tuer des prisonniĂšres par injection. D’autres Ă©taient envoyĂ©es au centre de mise Ă  mort de Birkenau.
DĂ©but 1945, les SS construisent une chambre Ă  gaz prĂšs du crĂ©matorium de RavensbrĂŒck.
Plus de 5 000 personnes y sont assassinĂ©es avant l’arrivĂ©e des troupes soviĂ©tiques en avril 1945.

À partir de l’Ă©tĂ© 1942, des expĂ©riences mĂ©dicales sont menĂ©es, d’abord sur 75 Polonaises de 15 Ă  25 ans sur lesquelles les mĂ©decins nazis prĂ©lĂšvent os et muscles des jambes et inoculent sur les plaies ouvertes divers bacilles pour tester l’efficacitĂ© des sulfamides. Les survivantes, sautillantes, seront qualifiĂ©es de « lapins ». DĂ©but janvier 1945, les docteurs Treite et Schumann entreprennent la stĂ©rilisation Ă  vif d’au moins 120 petites Tsiganes, roms ou sintis. Les plus jeunes ont 8 ans. Aucune survivante.
Le camp fournit de la main d’Ɠuvre Ă  une multitude d’entreprises allemandes (assainissement des marĂ©cages, construction de routes, industries d’armement), en particulier Siemens qui dĂšs 1942, construit vingt halls de production Ă  l’orĂ©e du camp. Les femmes fabriquent des composants pour les sous-marins. Jusqu’à 2 400 femmes ont Ă©tĂ© exploitĂ©es par Siemens qui ne sera pas inquiĂ©tĂ© aprĂšs-guerre.
Dans l’atelier de couture du camp, les dĂ©tenues cousent les vĂȘtements pour les dĂ©portĂ©s et pour les SS. Le site s’agrandit pour accueillir des ateliers de tissage et de traitement des fourrures.

Travaux de terrassement
© DR

42 kommandos extĂ©rieurs, dont certains comptent plus de 10 000 dĂ©portĂ©es, fournissent une importante main d’Ɠuvre pour l’armĂ©e ou les entreprises allemandes, comme ceux de Beendorf, prĂšs de Helmstedt (mines de sel), d’Abteroda, dĂ©pendant Ă©galement de Buchenwald oĂč des femmes juives fabriquent des explosifs, Genshagen pour Daimler-Benz, Hennigsdorf pour AEG, et d’autres comme Zwodau pour Siemens et Holleichen pour Skoda qui dĂ©pendront de FlossenbĂŒrg.

Uckermark
Au printemps 1942, est construit Ă  1,5 km du camp, celui de Uckermark, « camp pour la protection des jeunes » : 6 puis 17 baraques destinĂ©es aux jeunes filles allemandes classĂ©es comme « asociales ». Le fait d’aller danser, de boire, de se lier d’amitiĂ© avec des personnes juives, de refuser d’entrer dans « la ligue des jeunes filles allemandes » (Bund deutscher MĂ€dchen) sont des motifs d’internement en tant que « dĂ©linquantes sexuelles ».
Entre 1 000 et 1 200 jeunes femmes, de 16 à 21 ans, y seront détenues.
À partir de 1944 y sont transfĂ©rĂ©es de RavensbrĂŒck celles qui, aprĂšs sĂ©lection des SS, ne « servent plus » les entreprises. La majoritĂ© de ces femmes sont gazĂ©es dans des camions avant d’atteindre Uckermark.

L’évacuation du camp et sa libĂ©ration

Au printemps 1945, l’ArmĂ©e rouge se rapprochant, les SS commencent Ă  Ă©vacuer leurs archives et les machines des ateliers. En mĂȘme temps commencent les Ă©vacuations vers d’autres camps, dont celui de Mauthausen en Autriche pour 2 000 femmes. Celles qui ne sont pas en mesure de marcher sont assassinĂ©es.
La Croix-Rouge internationale parlemente pour emmener des prisonniÚres vers des pays neutres comme la SuÚde et la Suisse. Le 5 avril, 299 femmes françaises et une polonaise sont autorisées à quitter le camp sous son escorte.
Le camp est libĂ©rĂ© par l’armĂ©e soviĂ©tique le 30 avril 1945 alors que presque toutes les dĂ©tenues ont Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©es. Il reste 2 000 malades.
Extrait du témoignage de Marie-Claude Vaillant-Couturier au procÚs de Nuremberg, lundi 28 janvier 1946, audience du matin :

National Archives, College Park, MD, USA

« Lorsque les Allemands sont partis, ils ont laissĂ© 2 000 femmes malades et un certain nombre de volontaires, dont moi-mĂȘme, pour les soigner ; ils nous ont laissĂ©es sans eau et sans lumiĂšre ; heureusement, les Russes sont arrivĂ©s le lendemain. Nous avons donc pu aller jusqu’au camp des hommes et lĂ  nous avons trouvĂ© un spectacle indescriptible ; ils Ă©taient depuis cinq jours sans eau. Il y avait 800 malades graves, trois mĂ©decins et sept infirmiĂšres qui n’arrivaient pas Ă  retirer les morts de parmi les malades. Nous avons pu, grĂące Ă  l’ArmĂ©e rouge, transporter ces malades dans des blocs propres et leur donner des soins et de la nourriture mais, malheureusement, je ne peux donner le chiffre que pour les Français : il y en avait 400 quand nous avons trouvĂ© le camp et il n’y en a que 150 qui ont pu regagner la France ; pour les autres, il Ă©tait trop tard, malgrĂ© les soins
 »

L’intĂ©rieur du camp reste, de mai 1945 Ă  janvier 1994, une zone militaire utilisĂ©e par l’ArmĂ©e soviĂ©tique puis les forces de la CommunautĂ© des États IndĂ©pendants.
De décembre 1946 à juillet 1948, sept procÚs se sont tenus à Hambourg sous juridiction britannique, pour juger les responsables du camp. Au total, 38 accusés ont été jugés dont 21 femmes.

Le testament des femmes de RavensbrĂŒck

Ce que l’on appelle le « Manifeste de Neubrandenbourg » a Ă©tĂ© Ă©crit comme un testament pour la postĂ©ritĂ© par un groupe de femmes dĂ©tenues politiques, de nationalitĂ©s diverses, au printemps 1944 Ă  Neubrandenbourg, un des kommandos de RavensbrĂŒck :

« Nous formulons le vƓu que nos enfants veuillent considĂ©rer l’existence libre des ĂȘtres humains comme valeur suprĂȘme, que le droit Ă  la vie, le droit Ă  la dignitĂ© personnelle et le droit Ă  la libertĂ© ne puissent plus jamais ĂȘtre violĂ©s. Dans la coexistence des peuples, l’égalitĂ© sociale et la justice doivent remplacer toutes les aspirations Ă  la domination. »

A l’entrĂ©e du camp, un poĂšme d’Anna Seghers, Ă©crivaine allemande :

MĂ©morial national de RavensbrĂŒck (Allemagne) : sculptures de Will Lammert 

La rose Résurrection, symbole de paix et du souvenir

Des 1945, les survivantes souhaitent cĂ©lĂ©brer la paix retrouvĂ©e et rendre hommage Ă  leurs camarades mortes Ă  RavensbrĂŒck. Elles imaginent une rose qui pourrait devenir le symbole de cette paix et du souvenir. Depuis 1975 (30Ăšme anniversaire de la libĂ©ration des camps), la rose vient semer l’espoir aux quatre coins d’Europe, au pied des monuments et dans les espaces de souvenir.

â‰Ș Je suis RĂ©surrection
Et tout au long des ans
Tout au long des saisons
Je resterai le témoin de vie
Qui protĂšgera de la barbarie
Tous les enfants du monde ≫

Sources

– Amicale de RavensbrĂŒck et Association des DĂ©portĂ©es et InternĂ©es de la RĂ©sistance, Les Françaises Ă  RavensbrĂŒck, Paris, Gallimard, 1965
– Amicale de RavensbrĂŒck et des commandos dĂ©pendants, Revivre et construire demain, Paris, 1994
– Chombart de Lauwe, Marie-JosĂ©, Toute une vie de rĂ©sistance, Ă©d. Graphein/FNDIRP, 1998
Fondation pour la MĂ©moire de la DĂ©portation, « MĂ©moire Vivante », n°97 : RavensbrĂŒck.
– Tillion Germaine, RavensbrĂŒck, Ă©d. du Seuil, 1973
– Internationales RavensbrĂŒck Komitee :  https://irk-cir.org
– MĂ©morial de RavensbrĂŒck, Allemagne : https://www.ravensbrueck-sbg.de/en/
https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/ravensbrueck

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